Le genre est un performatif
Définissons tout d'abord le genre comme la construction sociale qui vient se greffer sur la division sexuelle biologique. Le genre féminin et le genre masculin signifient que l'on devient homme autant que l'on devient femme. Le concept de genre est un schéma mental a priori, issu de notre histoire collective, qui détermine l'ensemble des qualités, attitudes, compétences que nous attendons d'un genre “homme” et d'un genre “femmes”.
Nous remarquons que le genre est un performatif : dire d'une chose qu'elle est un attribut masculin ou féminin, c'est non seulement la décrire mais attendre qu'elle se conforme à cette description, c'est un jugement normatif. En disant “c’est ainsi” on dit également : “cela doit être ainsi”.
Dire que les petites filles jouent à la poupée et les petits garçons aux voitures (ou au pistolet), c'est aussi attendre qu'ils continuent à le faire, qu’il est “normal” qu’ils le fassent.
Or on ne voit pas bien pourquoi objectivement jouer aux voitures serait plus “naturel” pour un garçon que pour une fille ou jouer aux poupées pour une fille que pour un garçon. Je parierais plutôt pour une explication culturelle, même si le conditionnement social semble jouer dès les premiers mois de l’enfance.
D’ailleurs des études ont montré que la couleur bleue n’a pas toujours été associée aux garçons : il semblerait que le bleu fut associé aux garçons dans l’antiquité car c'était la couleur du ciel et qu’avoir un garçon était une bénédiction pour la famille car il était une source de revenus alors que la femme était un poids car ne travaillait pas (contre rémunération j’entends, j’imagine qu’elle travaillait à toutes les tâches ménagères).
Déjà la culture de la prédominance masculine précédait une explication pseudo-naturelle, déjà il y avait le préjugé culturel que l’homme était supérieur et devait dominer dans la sphère publique et cette domination était associé à une couleur.
Quant au pourquoi du rose je n’en sais rien. Peut-être est-ce l’idée du mélange entre le bleu et le rouge ?
Posons donc que les comportements genrés sont culturels : c'est parce que nous (les parents, les amis, la société en général) attendons que les petits garçons jouent aux voiture qu'ils vont effectivement jouer aux voitures. C'est parce qu'ils voient d'autres garçons jouer aux voitures qu'ils vont jouer au voitures, puisque les enfants aiment bien se conformer à ce que le groupe attend d'eux, ils veulent appartenir au groupe et pas en être exclus.
Il ne faut pas attendre des petits enfants qu’ils se rebellent contre les stéréotypes, ils en sont plutôt les promoteurs les plus ardents. Une étude a montré que les petites filles (vers 6 ans je crois) interrogées jugeaient à 90 % que jouer à la poupée était pour les filles et les garçons étaient un peu moins catégoriques sur ce point.
Les petites filles suivront le même schéma en jouant à la poupée, se conformant aux prescriptions implicites de leur milieu culturel. Il semble assez clair donc que ces comportements stéréotypés sont le résultat d’un habitus et n’ont pas de substrat biologique, jusqu’à preuve éventuellement du contraire.
La pensée réflexive n'est pas genrée
Mais, la question était de savoir si le genre conditionne notre pensée. Nous pouvons maintenant proposer une réponse.
Il est clair que comme tout stéréotype, le genre influence ce que nous pensons à propos des femmes et des hommes et par conséquent influence également notre comportement vis-à-vis des genres.
Nous sommes nous-mêmes conditionnés dans nos choix par la représentation genrée que nous avons de nous-même : comme je suis un homme je pense que la bière est une boisson pour les hommes. Comme elle est une femme elle sait que les hommes pensent que la bière est plus pour les hommes et elle aura tendance à choisir une boisson plus pour femmes comme le vin blanc ou un cocktail.
Pourtant toutes ces idées préconçues sur ce qui est adapté, convenant et approprié à chacun des genres ne sont in fine que des opinions sur le monde. Ces opinions sont souvent non explicitées et donc influencent d'autant plus profondément nos comportements. La bonne nouvelle est que l’opinion n’est pas de la pensée, c’est même l’inverse.
Rappelons-nous en effet (chez Socrate, Platon et Descartes par exemple) que l'opinion est un des obstacles majeurs à l'activité réflexive et que c'est justement le travail de la pensée et notamment du questionnement, de la déconstruire.
En tant que philosophe praticien mon travail consiste à faire penser des Sujets, hommes et femmes. Or je constate d'un point de vue empirique qu'il n'y a pas de différence entre la manière de réfléchir d'un homme et d'une femme quand on les met à l'épreuve d’une pensée rigoureuse en dialogue.
Les deux ont accès au même sens commun, les deux posent des questions pour approfondir, les deux font des objections pertinentes, analysent, posent des concepts. Les questions et les arguments ne sont pas genrés : ou s’ils peuvent l’être en tant qu’arguments spontanés, ce biais est rapidement identifié et neutralisé par un argument plus objectif. Les compétences cognitives que la consultation philosophique permet de travailler ne sont pas genrées.
Ce que je constate en revanche est que mon exercice attire plus les femmes que les hommes : je n'ai pas fait de statistiques mais ma clientèle est constituée à peu près de 70 % de femmes et 30 % d'hommes. Pour quelle raison les femmes seraient-elles plus attirées par une activité qui consiste à développer les compétences de la pensée et réfléchir sur son existence ?
Je ne me l'explique pas vraiment, mais peut-être avez-vous une idée ?
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Il y a une erreur objective à votre exemple : de façon quantitative, donner un échantillon 7/10 personnes correspondrait- pour vous - à un pourcentage de 70%. Dans le même procédé on peut trouver un échantillon plus représentatif grâce aux études de l’Insee et l’observatoire des inégalités pour tenter de répondre à cette question:
1- Hors bandes dessinées, les lectrices sont beaucoup plus nombreuses que les lecteurs : en 2018, 71 % des femmes ont lu
au moins un livre et 43 % au moins six, contre respectivement 53 % et 27 % des hommes.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/6047763?sommaire=6047805
En corrélation au fait que la philosophie est une discipline prioritairement littéraire cette hypothèse peut induire sur le taux de fréquentation des ateliers et/ou consultations de pratiques philosophiques. On peut y ajouter l’idée de sens commun que les filières littéraires, au lycée, sont majoritairement fréquentées par des filles que par des garçons - où la philosophie à un volume horaire plus conséquent - et par conséquent - l’approfondissement dédié à cette matière aussi.
2- En présupposant que la grande majorité des ateliers de philo pratique se déroulent de manière distancielle à domicile pour ses participants on peut émettre l’hypothèse que le temps domestique (parental ou non) est doublé pour une femme par rapport à un homme https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/1303232/ES478H.pdf , permet d’expliquer cet effet.
Première hypothèse : les ateliers philosophiques reflètent globalement l’écart des femmes et des hommes vis-à -vis de leurs pratiques socio-culturelles.
À poursuivre: les pratiques culturelles numériques poursuivent-elles les mêmes tendances que les pratiques non numériques sur l’écart entre les hommes et les femmes ?
Des données sur les ateliers comme l’âge moyen des participants et participantes, la situation géographique compte tenu du débit internet adéquat à l’usage de l’atelier entre autres permettraient de tenter des hypothèses de réponse plus approfondies.
Les femmes sont plus enclines à reconnaître leurs lacunes, ce qui est nécessaire pour aborder les formations qui prétendent apporter des changements.
Nous constatons que les hommes sont davantage soumis à la pression du niveau de compétence qu'ils doivent démontrer, en général, et en particulier sur le plan intellectuel, et qu'ils ont donc tendance à se considérer comme compétents à l'avance. En ce sens, comme l'approche d'un philosophe pratique exige un minimum d'autocritique, l'homme présente un certain blocage, émotionnel, car cela affecte son estime de soi.
Très jeune, j'ai fait partie d'un mouvement d'alphabétisation des adultes. Le groupe était composé de sept femmes et de trois hommes (curieusement cette répartition coïncide avec vos pourcentages). Au cours du processus d'apprentissage, les femmes se voyaient encouragées par leurs progrès, même si l'une d'entre elles a fini par abandonner, car elle disait qu'elle faisait des cauchemars à propos des lettres et des chiffres, et que l'anxiété était handicapante. Les trois hommes ont également abandonné sans même l'expliquer, bien qu'il fut évident qu'ils se sentaient diminués lorsque leurs fautes étaient révélées, mais surtout lorsqu'ils se comparaient aux femmes qui apprenaient plus rapidement, leur embarras était visible. Ils sont partis en silence.